Clamart et Ivry c'est pas très loin! Si Clamart est en proie à une bétonisation de plus en plus intense, elle peut néanmoins encore respirer (jusqu'à quand ???). Mais, à Ivry, la densité est depuis longtemps très intense. Sur les quais de Seine les zones industrielles ont longtemps régné. Le métro est là depuis très longtemps. Nul besoin d'en rajouter, mais besoin de respirer. La respiration, ce sont par exemple les jardins ouvriers du Fort d'Ivry, un havre de paix et de campagne au milieu de l'immensité urbanisée. Aujourd'hui ces jardins sont menacés par les projets de Macron et de son architecte en chef à lui, Roland Castro. Faire du fort d'Ivry le Montmartre du Grand Paris... Et quoi encore? Le World Trade Center de la France? Le Berlin futuro-mythique d'Albert Speer? Il faut arrêter avec les projets débilo-grandioses et se concentrer sur la vie des gens, la vie qui va et les concerne, ici et maintenant. Oui le fort d'Ivry est un p'tit coin de paradis aujourd'hui! On peut y discuter en jardinant, boire un verre assis sur un banc sans entendre le boucan urbain! On peut y croiser untel et unetelle heureux de s'échapper le temps d'un Week-end de leur vie de banlieue et d'ajouter "apéro au jardin" à "métro-boulot-dodo". Les locataires jardiniers se mobilisent et doivent être soutenus.
Une pétition est en ligne : https://www.unepetition.fr/oui-aux-jardins-d-ivry
Même combat à Montreuil pour les murs à pêches! Lire ici
avec une pétition en ligne.
lundi 26 février 2018
samedi 17 février 2018
Cyrano et sirène
Dimanche 11 février, Jean Arp, représentation - la dernière- de Cyrano, mis en scène par Lazare Herson-Macarel. Après un premier acte que je qualifierais d'un peu confus dans lequel le rythme domine le texte et cela me chagrine, la pièce a pris son envol. L'acte 2, l'acte 3 et l'acte 4 ont installé la beauté et la tension de l'intrigue et de la psychologie des personnages. Cyrano a pris sa dimension politique et sentimentale servi par un formidable acteur, Eddie Chignara. Roxane(Morgane Nairaud)est convaincante. L'acte 5 peut débuter, la boule dans la gorge pour tous ceux qui connaissent l'histoire....Badaboum! La sirène d'évacuation accompagnée de son odieux message enregistré retentit. Une fois, deux fois. Les spectateurs sont intrigués. Certains commencent à quitter la salle. Le calme des acteurs et des gestes non équivoques nous invitent à rester. L'alarme s'est déclenchée par erreur. Bon... ça peut arriver et vaut mieux que ce soit dans ce sens-là, mais tout de même... On frôle l'irréparable. Imaginons qu'elle se déclenche 5 mn plus tard et c'est la tirade de Cyrano qui passe à la moulinette! Y a des exercices pour vérifier le fonctionnement du machin! Passons... Ce qui ne peut pas et ne doit pas arriver c'est ce qui s'ensuit : à savoir la durée de l'interruption, sirène hurlante ... Mais alors personne dans le théâtre ne sait comment l'arrêter? Y a pas un gus' capable de stopper cette gueuse qui tue la poésie? Impatience de certains. Ça y est, cela s'arrête; applaudissements brefs, mais nourris, et au mot près, magnifiques, les comédiens reprennent. Et Cyrano peut mourir sans abandonner son panache.
Cette pièce formidable, c'est une pièce si moderne dans son message politique, si antinomique de ce qu'il se passe à Clamart et ailleurs, que je ne résiste pas à en citer quelques vers puissants:
acte 2, scène 8
Et que faudrait-il faire ?
Chercher un protecteur puissant, prendre un patron,
Et comme un lierre obscur qui circonvient un tronc
Et s’en fait un tuteur en lui léchant l’écorce,
Grimper par ruse au lieu de s’élever par force ?
Non, merci. Dédier, comme tous ils le font,
Des vers aux financiers ? se changer en bouffon
Dans l’espoir vil de voir, aux lèvres d’un ministre,
Naître un sourire, enfin, qui ne soit pas sinistre ?
Non, merci. Déjeuner, chaque jour, d’un crapaud ?
Avoir un ventre usé par la marche ? une peau
Qui plus vite, à l’endroit des genoux, devient sale ?
Exécuter des tours de souplesse dorsale ?…
Non, merci. D’une main flatter la chèvre au cou
Cependant que, de l’autre, on arrose le chou,
Et donneur de séné par désir de rhubarbe,
Avoir un encensoir, toujours, dans quelque barbe ?
Non, merci ! Se pousser de giron en giron,
Devenir un petit grand homme dans un rond,
Et naviguer, avec des madrigaux pour rames,
Et dans ses voiles des soupirs de vieilles dames ?
Non, merci ! Chez le bon éditeur de Sercy
Faire éditer ses vers en payant ? Non, merci !
S’aller faire nommer pape par les conciles
Que dans les cabarets tiennent des imbéciles ?
Non, merci ! Travailler à se construire un nom
Sur un sonnet, au lieu d’en faire d’autres ? Non,
Merci ! Ne découvrir du talent qu’aux mazettes ?
Être terrorisé par de vagues gazettes,
Et se dire sans cesse : « Oh, pourvu que je sois
Dans les petits papiers du Mercure François ? »…
Non, merci ! Calculer, avoir peur, être blême,
Préférer faire une visite qu’un poème,
Rédiger des placets, se faire présenter ?
Non, merci ! non, merci ! non, merci ! Mais… chanter,
Rêver, rire, passer, être seul, être libre,
Avoir l’œil qui regarde bien, la voix qui vibre,
Mettre, quand il vous plaît, son feutre de travers,
Pour un oui, pour un non, se battre, — ou faire un vers !
Travailler sans souci de gloire ou de fortune,
À tel voyage, auquel on pense, dans la lune !
N’écrire jamais rien qui de soi ne sortît,
Et modeste d’ailleurs, se dire : mon petit,
Sois satisfait des fleurs, des fruits, même des feuilles,
Si c’est dans ton jardin à toi que tu les cueilles !
Puis, s’il advient d’un peu triompher, par hasard,
Ne pas être obligé d’en rien rendre à César,
Vis-à-vis de soi-même en garder le mérite,
Bref, dédaignant d’être le lierre parasite,
Lors même qu’on n’est pas le chêne ou le tilleul,
Ne pas monter bien haut, peut-être, mais tout seul !
Cette mise en scène en tous cas, hormis l'acte 1 qui ne m'a pas convaincu je l'ai dit, avait de formidables atouts : un Cyrano très bon, le rôle oblige à l'excellence... Une Roxane à la hauteur. Des choix réussis, et un siège d'Arras épique à souhait! Une sobriété de bon aloi et si le final n'avait pas été gâché par cet incident, nous aurions pu pleurer toutes les larmes de nos corps car, enfin, ce passage, forcément, vous remue si vous avez un coeur...:
Cyrano :
« Mon cœur ne vous quitta jamais une seconde,
Et je suis et serai jusque dans l’autre monde
Celui qui vous aima sans mesure, celui… »
ROXANE, lui posant la main sur l’épaule
Comment pouvez-vous lire à présent ? Il fait nuit.
(Il tressaille, se retourne, la voit là tout près, fait un geste d’effroi, baisse la tête. Un long silence. Puis, dans l’ombre complètement venue, elle dit avec lenteur, joignant les mains)
Et pendant quatorze ans, il a joué ce rôle
D’être le vieil ami qui vient pour être drôle !
Cette pièce formidable, c'est une pièce si moderne dans son message politique, si antinomique de ce qu'il se passe à Clamart et ailleurs, que je ne résiste pas à en citer quelques vers puissants:
acte 2, scène 8
Et que faudrait-il faire ?
Chercher un protecteur puissant, prendre un patron,
Et comme un lierre obscur qui circonvient un tronc
Et s’en fait un tuteur en lui léchant l’écorce,
Grimper par ruse au lieu de s’élever par force ?
Non, merci. Dédier, comme tous ils le font,
Des vers aux financiers ? se changer en bouffon
Dans l’espoir vil de voir, aux lèvres d’un ministre,
Naître un sourire, enfin, qui ne soit pas sinistre ?
Non, merci. Déjeuner, chaque jour, d’un crapaud ?
Avoir un ventre usé par la marche ? une peau
Qui plus vite, à l’endroit des genoux, devient sale ?
Exécuter des tours de souplesse dorsale ?…
Non, merci. D’une main flatter la chèvre au cou
Cependant que, de l’autre, on arrose le chou,
Et donneur de séné par désir de rhubarbe,
Avoir un encensoir, toujours, dans quelque barbe ?
Non, merci ! Se pousser de giron en giron,
Devenir un petit grand homme dans un rond,
Et naviguer, avec des madrigaux pour rames,
Et dans ses voiles des soupirs de vieilles dames ?
Non, merci ! Chez le bon éditeur de Sercy
Faire éditer ses vers en payant ? Non, merci !
S’aller faire nommer pape par les conciles
Que dans les cabarets tiennent des imbéciles ?
Non, merci ! Travailler à se construire un nom
Sur un sonnet, au lieu d’en faire d’autres ? Non,
Merci ! Ne découvrir du talent qu’aux mazettes ?
Être terrorisé par de vagues gazettes,
Et se dire sans cesse : « Oh, pourvu que je sois
Dans les petits papiers du Mercure François ? »…
Non, merci ! Calculer, avoir peur, être blême,
Préférer faire une visite qu’un poème,
Rédiger des placets, se faire présenter ?
Non, merci ! non, merci ! non, merci ! Mais… chanter,
Rêver, rire, passer, être seul, être libre,
Avoir l’œil qui regarde bien, la voix qui vibre,
Mettre, quand il vous plaît, son feutre de travers,
Pour un oui, pour un non, se battre, — ou faire un vers !
Travailler sans souci de gloire ou de fortune,
À tel voyage, auquel on pense, dans la lune !
N’écrire jamais rien qui de soi ne sortît,
Et modeste d’ailleurs, se dire : mon petit,
Sois satisfait des fleurs, des fruits, même des feuilles,
Si c’est dans ton jardin à toi que tu les cueilles !
Puis, s’il advient d’un peu triompher, par hasard,
Ne pas être obligé d’en rien rendre à César,
Vis-à-vis de soi-même en garder le mérite,
Bref, dédaignant d’être le lierre parasite,
Lors même qu’on n’est pas le chêne ou le tilleul,
Ne pas monter bien haut, peut-être, mais tout seul !
Cette mise en scène en tous cas, hormis l'acte 1 qui ne m'a pas convaincu je l'ai dit, avait de formidables atouts : un Cyrano très bon, le rôle oblige à l'excellence... Une Roxane à la hauteur. Des choix réussis, et un siège d'Arras épique à souhait! Une sobriété de bon aloi et si le final n'avait pas été gâché par cet incident, nous aurions pu pleurer toutes les larmes de nos corps car, enfin, ce passage, forcément, vous remue si vous avez un coeur...:
Cyrano :
« Mon cœur ne vous quitta jamais une seconde,
Et je suis et serai jusque dans l’autre monde
Celui qui vous aima sans mesure, celui… »
ROXANE, lui posant la main sur l’épaule
Comment pouvez-vous lire à présent ? Il fait nuit.
(Il tressaille, se retourne, la voit là tout près, fait un geste d’effroi, baisse la tête. Un long silence. Puis, dans l’ombre complètement venue, elle dit avec lenteur, joignant les mains)
Et pendant quatorze ans, il a joué ce rôle
D’être le vieil ami qui vient pour être drôle !
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